Groume,
CC BY-SA 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0>, via
Wikimedia Commons
Paul Éluard est né le 14 décembre 1895. C’est
donc aujourd’hui l’occasion de rendre hommage à ce grand poète français. Si
vous pensez que la poésie n’a pas de place dans la classe de français langue
étrangère (FLE), il est temps de changer d’avis. Le poème, comme tout autre
texte littéraire peut trouver place dans une séquence didactique de FLE et non
seulement pour des apprenants d’un certain niveau qui maîtrisaient déjà bien le
français. On peut y recourir dès les débuts de l’apprentissage. Dans ce post
nous tenterons de montrer comment une telle approche est possible, en se
servant des poèmes de Paul Eluard.
D’abord la poésie n’étant pas liée à l’actualité Généralement,
(à l’inverse des textes journalistiques, par exemple) traite de thèmes universels,
communs dans toutes les langues.
Le poème «Liberté» de Paul Eluard est un poème écrit
en 1942 comme une ode à la liberté, face à l’Occupation de la France par
l’Allemagne en 1940, durant la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit d'une longue
énumération de tous les lieux, réels ou imaginaires, sur lesquels le narrateur
écrit le mot « liberté ». Il est même parachuté en 1942 à des milliers
d'exemplaires par des avions britanniques de la Royal Air Force au-dessus du
sol français!
(http://lesbonsplansdegandalf.eklablog.com/poemes-liberte-a127780620)
Sur mes cahiers
d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages
lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
[...]
Et par le pouvoir d’un
mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit)
Ici, vous trouverez une fiche pédagogique sur «Liberté»
de Paul Eluard
Un deuxième avantage du texte poétique pour son
utilisation en classe de langues c’est que son rythme et ses jeux de sonorités,
le constitue idéal pour l’enseignement de la prononciation et de l’intonation.
En plus, par sa longueur limitée, ses répétions et ses rimes il est facilement mémorisable:
Courage
Paris a froid Paris a
faim
Paris ne mange plus de marrons dans la rue
Paris a mis de vieux vêtements de vieille
Paris dort tout debout sans air dans le métro
Plus de malheur encore est imposé aux pauvres […]
Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1944
Le texte poétique peut donc être étudié à tout niveau,
pour autant qu’on choisisse les poèmes, les objectifs et les activités adaptés
à chacun. Bien évidement, pour un niveau A1 on choisit des poèmes relativement
courts:
Oiseau
Charmée… Oh! Pauvre
fille!
Les oiseaux mettent en désordre
Le soleil aveuglant du toit,
Les oiseaux jouent à remplacer
Le soleil plus léger que l’huile
Qui coule entre nous.
Paul Eluard, Les animaux et leurs hommes,
les hommes et leurs animaux, 1920
Dans la mesure du possible, on varie aussi les
supports. On peut faire entendre la voix de l’auteur lui-même ou le texte chanté
par un interprète. Les élèves auront ainsi l’occasion d’entendre une autre voix
que celle du professeur.
On peut aussi varier le support typographique en
présentant la reproduction d’un manuscrit par exemple. Ainsi les apprenants se
familiariseront avec l’écriture cursive.
https://www.artcurial.com/fr/lot-paul-eluard-en-depit-des-pierres-poeme-2059-34
Le choix du sujet peut varier en fonction des
objectifs langagiers, lexicaux, grammaticaux ou autres.
Si on veut enseigner les chiffres par exemple on
peut utiliser le poème «À celle dont ils rêvent»:
Neuf cent mille
prisonniers
Cinq cent mille politiques
Un million de travailleurs […]
Paul Eluard, Les Armes de la douleur, 1944
Pour les adverbes de lieu on choisit plutôt «Bêtes
et méchants»
Venant du dedans
Venant du dehors
C’est nos ennemis
Ils viennent d’en haut
Ils viennent d’en bas
De près et de loin
De droite et de gauche
Habillés de vert
Habillés de gris […]
Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1944
Pour une approche grammaticale de l’imparfait, il
conviendrait d’exploiter « Denise disait aux merveilles »:
Le soir traînait des
hirondelles. Les hiboux
Partageaient le soleil et pesaient sur la terre
Comme les pas jamais lassés d’un solitaire
Plus pâle que nature et dormant tout debout.
Le soir traînait des
armes blanches sur nos têtes.
Le courage brûlait les femmes parmi nous,
Elles pleuraient, elles criaient comme des bêtes,
Les hommes inquiets s’étaient mis à genoux. […]
Paul Eluard, Capitale de la douleur, Mourir
de na pas mourir, 1926
Et pour introduire le lexique de la maison,
pourquoi ne pas utiliser le poème «Dans Paris»?
Dans Paris il y a une
rue;
Dans cette rue il y a une maison;
Dans cette maison il y a un escalier;
Dans cet escalier il y a une chambre;
Dans cette chambre il y a une table;
Sur cette table il y a un tapis;
Sur ce tapis il y a une cage;[…]
Il s’agit d’un poème
exploitable dès le niveau A1 : Activités proposées : on peut demander aux
apprenants de remettre les mots à leur place dans le texte, des ranger des images
dans l'ordre chronologique, de compléter le texte avec "un" ou
"une" etc.
Ici vous
trouverez une proposition didactique sur «Dans Paris» par podcastfrancaisfacile
Pourtant, un poème ne doit pas être utilisé seulement
comme prétexte à un apprentissage grammatical ou lexical. C’est avant tout l’occasion
d’une découverte culturelle. Le texte poétique sensibilise l’apprenant à une
autre culture que la sienne. Introduire un poème en classe de FLE, c’est beaucoup
plus qu’une approche linguistique, c’est découvrir une culture, une époque, un
sentiment, un regard particulier.
La compréhension du texte et aussi importante que
l’appréciation esthétique. On peut opter donc pour la lecture expressive, la
paraphrase, la mise en situation, le jeu de rôle, le geste, le mime, la
peinture, le dessin, le schéma, tant de moyens pour faire comprendre un poème.
Dans tous les cas, l’objectif de lecture reste
primordial. Il est même souhaitable que
les apprenants récitent le poème par cœur, ce qui facilite la prononciation, l’intonation,
mais également la mémorisation de structures
et de mots.
Dans les approches décrites jusqu’ici, on est bien
loin de la découverte de la littérarité. Pour la mettre en évidence, nous
pouvons proposer aux apprenants d’écrire leur propre texte poétique en
réinvestissant les structures (lexicales, grammaticales ou rythmiques)
présentes dans le poème étudié. On se sert donc du poème comme « matrices »
pour développer l’expression écrite et le plaisir esthétique en même temps.
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